Un cri de douleur déchira le lourd silence de la nuit. Les créatures nocturnes cessèrent une seconde leurs cabrioles et incessants bruits pour braquer leurs regards dans la même direction. Une tanière trônait là depuis peu. On le voyait à la terre fraîchement retournée qui en bordaient l’entrée. Cet abri était plutôt bien situé, au pied d’un chêne centenaire, dans une forêt où le gibier abonde. Encore mieux situé pour les deux nouveaux arrivants. Un couple de jeunes loups s’étaient installé là, en trouvant cet endroit parfait pour y couler des jours heureux et surtout, pour y fonder une famille.
« Vas-y ma chérie. Respire… Doucement, voilà. » Résonna la voix du jeune père à moitié couverte par l’activité des animaux de la nuit.
Un beau loup brun se tenait debout, la pâle lueur de la lune éclairant son visage rongé par l’inquiétude. Il faisait les cents pas en essayant de se calmer. Cela faisait une demi-heure que sa tendre moitié tentait de mettre bas. Il venait de se retirer pour souffler cinq minutes. Ensuite, le beau brun devrait revenir soutenir sa compagne. Il savait que l’accouchement ne se passait pas bien. Pas bien du tout. Mais avec ses connaissances des plantes médicinale réduites, il ne pouvait faire autre chose que la soutenir moralement.
Au fond de l’abri retentissait une inspiration profonde et saccadée. Une louve grise, aussi belle que la brume du matin, était couchée, exposant ainsi son ventre gonflé. La pauvre poussa un nouveau cri et enfin, un bébé sorti. Il montrait son petit derrière, sans doute est-ce pour ça qu’elle avait autant de difficulté. Un petit cri étouffé alerta le père qui revint en quelque pas. Il poussa un cri de joie en voyant la petite boule de poil grise se pelotonner contre le ventre de la mère. Mais sa mine se déconfit aussitôt. La jeune louve avait le teint pâle et les traits tirés. Elle souffla un ‘Je t’aime’ dans un soupire. Elle venait de rendre l’âme. Le loup brun poussa un cri de désespoir tout en penchant la tête pour cacher ses larmes. Il se coucha au coté du corps dans un ultime espoir. Mais sa compagne était bien morte… Par contre, le petit était bien en vie. Son petit corps encore humide se tortillait pour faire sortir le lait de ses mamelles.
***
« Maman ! Maman ! On joue ? » S’exclama une voix aigüe.
Une loupiote grise s’affairait à mordiller une queue crème et touffue. Un visage attentionné et fendu d’un sourire bienveillant se tourna vers cette petite. La jeune poussa un jappement avant de sauter sur sa tête. La louve crème lui fit une léchouille et se tourna pour se mettre sur le dos et combattre avec sa jeune assaillante. Le sol poussiéreux fit éternuer la petite qui tomba sur les fesses. Son visage se tordit en une grimace.
« Je gagne ! » Dit la voix douce de la louve crème.
La jeune loupiote retrouva le sourire et se leva pour dresser la queue et les oreilles en signe de fierté. Elle fit une mine d’être une reine puis elle sortit de la grotte poussiéreuse d’un bond.
Ses yeux mauves s’ouvrirent tout grand devant le spectacle qui s’offrait à elle. Une chute d’eau vertigineuse venait s’écraser dans un fracas assourdissant en contrebas. Le louveteau gris se pencha pour admirer la pente verticale parsemée de rocher qui descendait et donnait vue au lac où la chute d’eau aboutissait. Quelques arbustes avait réussi à s’agripper aux pentes raides mais sinon, elles étaient dénudé, laissant apparaître la rocaille qui les composaient. En suite, un papillon magnifique se détacha d’un arbuste couvert de fleur. La loupiote le suivit du regard, toujours aussi souriante et excitée. Ses yeux violacés se posèrent sur le sommet de la montagne. Couverte de neige éternelle, c’était magnifique. Le pic fendait un ciel bleu parsemé de quelques rares nuages. Un soleil brillant de mille feux régnait dans ce décor époustouflant. Du côté de la grotte, une forêt majestueuse se dressait fièrement, découvrant des sapins enneigé. De la buée sortait de la gueule de la petite et elle frissonna.
« Kimi ! Rentre, tu vas attraper froid. » Clama une voix grave et forte.
La dite Kimi fit volte face pour courir dans la direction de la voix. Son visage d’enfant était illuminé par la joie. Un beau loup noir se tenait debout à l’entrée de la grotte, deux lièvres pendant de sa gueule. Un fumet délicieux s’en dégageait, cela prédisait un bon repas et des estomacs rassasié. La loupiote sautillait au pied du loup noir qui tenait fièrement ses proies. Puis il rentra dans la grotte, sa musculature roulant sous son pelage ténèbres.
Plus tard, dans la soirée, alors que la petite Kimi dormait profondément dans la grotte, les deux loups étaient couchés côte à côte devant l’entrée du domicile. Le loup noir prenait un air grave et sérieux et la louve avaient les larmes aux yeux.
« Il faudra dire la vérité à Kimi. Tu sais comme moi que cette petite est la fille de ton frère. » Chuchota le loup noir.
La louve crème le regardait avec pitié, on voyait bien qu’elle tenait à son frère. Puis elle chuchota à son tour :
« Il était désemparé. Sa compagne venait de rendre l’âme, comment aurions-nous pu laisser cet enfant mourir ? »
Le loup noir soupira puis posa sa large tête sur ses pattes avant. Son air grave ne reflétait rien d’autre que son inquiétude.
« Il faudra quand même lui dire d’où elle vient. »
La louve crème ne put que soupirer à son tour. Elle posa sa tête sur le poitrail de son compagnon, une larme coulant le long de sa joue.
« Pourquoi lui dire ? Je la considère comme ma propre fille et puis, elle n’a que deux mois. »
Le mâle lui fit une lèche sur la joue pour sécher ses larmes.
« Nous lui dirons quand elle sera prête. Mais elle sera certainement en colère… »
Puis le jeune couple s’assoupit, dans le clame total que leur assurait la nuit naissante.
***
Une jeune louve grise scrutait le ciel étoilé. Elle était assise sur un rocher assez épais surplombant une vallée. Au loin, on pouvait distinguer une montagne imposante et une magnifique cascade. Dans ses beaux yeux violets régnait une lueur d’inquiétude mais surtout, de la curiosité. Une larme roula sur sa joue puis elle se releva. La lueur de la lune donnait des reflets argent à sa belle fourrure. La belle grise était adulte, même si on distinguait qu’elle était encore jeune. Son corps gracieux et mince était taillé pour la vitesse. Elle se releva d’un mouvement souple pour tourner la tête vers sa destination. La forêt natale. Elle était plongée dans es pensées, ne faisant en rien attention à ce qui l’entourait. Ce soir, elle avait pris une décision importante. Retrouver son père et quitter ses parents adoptifs. Leurs paroles résonnaient encore dans sa tête :
Kimi, nous avons quelque chose à t’annoncer te mère et moi. C’est…. C’est difficile à dire. Mais nous le devons. Sache que quoi je dise, tu seras toujours notre petite ange adoré… Nous t’avons… Adoptée. Tu es la fille du frère de ta mère. Il habite dans une forêt à l’occident. Tu comprends, sa compagne était morte… Enfin, ta mère biologique. Alors nous t’avons pris sous notre aile.»
C’est sur, la jeune Kimi fut ébranlée après ses paroles. Les larmes lui avaient mouillé les joues et ses parents avaient aussi pleuré. Mais la louve grise fut forte et décida de retrouver son père paternel. Maintenant, elle quittait ses terres d’enfance pour des terres inconnue. Peut-être son père était-il mort ? Peut-être ne voudrait-il pas d’elle ? Autant de questions tournoyaient dans l’esprit de la louve. Pourtant, elle continuait d’avancer au petit trot.
***
Une louve grise était étendue sur le sol, inerte, inconsciente. Plusieurs silhouettes se déplaçaient autours d’elle. Une se détacha du reste, sa démarche fière et sûre prouvait qu’il était le meneur. La jeune louve ne bougeait toujours pas, son maigre corps couché sur des mousses humide. Le vent soufflait dans le feuillage de nombreux arbres. La jeune louve n’était autre que Kimi. Son corps amaigri, ses coussinets en sang, sa truffe sèche prouvaient son long voyage. Elle avait voyagé depuis les montagnes jusqu’ici. C’est vrai qu’elle avait vu son père. Mais elle n’était pas restée. Mais pourquoi ? L’appel de l’aventure sans doute…
Le meneur était maintenant à côté d’elle, il semblait la juger. Il l’a renifla, la toisa longuement. Les autres restaient derrière, certains disaient qu’il fallait la tuer, d’autre la faire intégrer le clan. L’Alpha se dressa, tournant sa tête vers sa meute et déclara d’une voix grave.
« Nous allons la remettre sur patte. Quand elle sera remise, nous l’interrogerons et jugerons si elle reste ou non. »
Sur ses ordres, plusieurs loups s’avancèrent pour porter la louve en direction du camp. Les autres loups retournèrent à leurs occupations même si beaucoup étaient intrigué par la venue de cette louve. Aujourd’hui, Kimi à intégrer la meute de l’Est. Dans les terres de Gris poil.